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la défensive.

grandes plaines dans lesquelles des cours d’eau, souvent de petit volume, se sont creusés des lits profonds à bords très escarpés. Il faut, en outre, ranger dans la même catégorie tous les cours d’eau qui présentent des obstacles naturels sur leurs bords, ou forment des terrains marécageux sur leurs rives.

Dans ces conditions, le défenseur peut trouver à se placer dans les positions les plus avantageuses en arrière d’un cours d’eau ou d’une vallée profondément encaissée.

C’est donc là une des dispositions stratégiques les plus avantageuses, mais, néanmoins, le défenseur doit bien se garder d’y exagérer le fractionnement de ses troupes. En pareil cas on est naturellement très porté à s’étendre d’un premier point présumable de passage à un second, et de celui-ci à un troisième. Si l’on cède à la tentation, on court grand risque de ne pouvoir plus se concentrer en forces suffisantes sur le point même où le passage s’effectuera. Or, si l’on ne réussit pas à attaquer l’ennemi avec la totalité des forces défensives, l’action est manquée, le défenseur est repoussé, il est contraint à la retraite, la confusion se met dans ses rangs, et les pertes éprouvées par ses différents corps le conduisent à un insuccès voisin de la défaite, sans que, parfois même, il puisse porter la résistance à ses dernières limites.

Il est donc absolument indispensable, quand on veut appliquer ce mode défensif, de ne pas donner trop d’étendue à la position, de manière à être toujours en mesure de concentrer les troupes le soir même du jour où l’ennemi aura exécuté son passage. Si l’on ne s’écarte pas de cette règle, elle tiendra lieu de toutes les combinaisons de temps, d’espace et de forces qui, dans l’espèce, sont subordonnées à tant de considérations locales.