Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, II.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.
161
chap. xvi. — défense des montagnes.

La possession est donc, en plaine, la conséquence immédiate de la marche en avant. Dans les montagnes au contraire, alors même qu’elles ne sont le théâtre que d’opérations secondaires, la réussite de ces opérations n’assure nullement la possession du terrain parcouru, et cette possession reste absolument indépendante de la marche en avant.

Un terrain montagneux assure donc une bien plus grande indépendance, une action beaucoup plus décisive, une possession bien moins aléatoire. Si l’on ajoute à ces avantages du fait même de l’occupation, que, des hauteurs d’une position prise en semblable terrain, la vue s’étend librement sur toute la contrée environnante, tandis que la position elle-même reste sans cesse comme entourée d’obscurité pour tout observateur placé à l’extérieur, on admettra que celui qui, sans être maître de la montagne, est obligé de se mettre en contact avec elle, est en droit de la considérer tout à la fois comme un foyer d’éléments hostiles et comme une source intarissable d’influences défavorables. Tous ces inconvénients grandissent encore lorsque la montagne fait partie du territoire du belligérant qui l’occupe. Le défenseur peut dès lors, en effet, y réunir et y faire marcher ses colonnes dans le plus profond secret ; les bandes de ses partisans, dont l’audace croît en conséquence, n’ont, dès qu’elles sont inquiétées ou poursuivies, qu’à se retirer dans la montagne pour être bientôt en mesure d’apparaître sur d’autres points. En pareille occurrence, les troupes de l’attaque, pour ne pas rester sous cette influence écrasante et ne pas être engagées dans une lutte inégale de surprises et d’échecs qu’elles seraient absolument hors d’état d’éviter, doivent de toute nécessité être maintenues à une distance considérable de la montagne.

Telle est l’influence régulière qu’une contrée monta-

ii. 11