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le combat.

et à réserver pour plus tard la recherche des buts particuliers qui s’y peuvent incidemment rattacher et qui ne sauraient d’ailleurs jamais en changer essentiellement le caractère.

Puisqu’on ne livre une bataille générale que pour la victoire effective qu’elle peut produire, il y faut combattre aussi longtemps qu’on conserve l’espoir de vaincre, et n’y renoncer qu’alors seulement qu’en raison de l’épuisement et de l’insuffisance absolue des forces, ce résultat devient irréalisable.

Or à quels indices ce moment peut-il se reconnaître ?

Dans les premiers temps de l’art militaire moderne, alors que la lourdeur de l’ordre artificiel dans lequel on en assemblait les parties constituait toute la force de résistance d’une armée, dès qu’une portion de cet ordre était détruite la décision devenait irrévocable. Dans ces conditions, en effet, une aile enfoncée décidait du sort de tout ce qui restait en ligne.

Plus tard la défense commença à tirer parti des obstacles que présentait la contrée ; mais encore trop lourdes pour se prêter réciproquement appui, les troupes ne pouvaient combattre que dans la plus étroite union avec le terrain sur lequel elles étaient formées, si bien qu’aussitôt que l’ennemi parvenait à s’emparer d’un point important de la position défendue, il fallait en abandonner les autres portions et considérer la bataille comme perdue.

Ces principes qui rendaient solidaires et dépendantes les unes des autres les diverses parties d’une armée et s’opposaient à ce qu’on employât effectivement la totalité des forces disponibles, ont, du moins dans les dernières guerres, perdu une grande partie de leur autorité. On conduit bien encore aujourd’hui les armées au combat dans un ordre déterminé, mais cet ordre rend précisément l’emploi des troupes plus facile et