Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bon soleil ! Quoi ! dans la plus mince flaque, dans la plus étroite ornière laissée au tournant de la route publique, il trouvera de quoi mirer son visage vermeil, et seule l’âme secrète de l’homme lui demeurera-t-elle si close qu’elle lui refuse sa ressemblance et du fond de ses ténèbres un peu d’or ?

À peine la race rogneuse des Fils de la Boue eut-elle commencé à barboter sur le sein de la terre nourrissante que, pressés de la fureur de manger, ils oublièrent la Chose splendide, l’éternelle Épiphanie dans laquelle ils avaient été admis à être vivants. Comme le graveur bien appliqué à tailler sa planche suivant le fil du bois s’occupe peu de la lampe au-dessus de sa tête qui l’éclaire, de même l’agriculteur, toutes choses pour lui réduites à ses deux mains et au cul noir de son buffle, avait soin seulement de mener droit son sillon, oublieux du cœur lumineux de l’Univers. Alors Amaterasu s’indigna dans le soleil. Elle est l’âme du soleil par quoi il brille et ce qu’est le souffle de la trompette sonnante. « La bête », dit-elle, « quand elle a repu son ventre m’aime, elle jouit avec simplicité de mes caresses ; elle dort dans la chaleur de ma face toute remplie du choc régulier de son sang à la surface de son corps, le battement intérieur de la vie rouge. Mais l’homme brutal et impie n’est jamais rassasié de manger. La fleur, tout