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LA DÉLIVRANCE D’AMATERASU


Nul homme mortel ne saurait sans incongruité honorer par un culte public la Lune, comptable et fabricatrice de nos mois, filandière d’un fil avarement mesuré. À la bonne lumière du jour, nous nous réjouissons de voir toutes choses ensemble, avec beauté, comme une ample étoffe multicolore ; mais dès que le soir vient, ou que la nuit, déjà, est venue, je retrouve la fatale Navette toute enfoncée au travers de la trame du ciel. Que ton œil seul, amie, doré par sa lumière maléfique, l’avoue, et ces cinq ongles qui brillent au manche de ton luth !

Mais le soleil toujours pur et jeune, toujours semblable à lui-même, très radieux, très blanc, manque-t-il donc rien chaque jour à l’épanouissement de sa gloire, à la générosité de sa face ? et qui la regardera sans être forcé de rire aussitôt ? D’un rire donc aussi libre que l’on accueille un beau petit enfant, donnons notre cœur au