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contient son huile ; par la vertu propre de sa flamme, elle se boit elle-même. Elle atteste cela dont tout l’abîme est l’absence. Comme elle a pris au soir antérieur, elle durera jusqu’à ce feu rose au ciel ! jusqu’à cette suspension de vapeurs pareilles à l’écume du vin nouveau ! Elle a sa provision d’or jusqu’à l’aube. Et moi, que je ne périsse peint dans la nuit ! que je dure jusqu’au jour ! Que je ne m’éteigne que dans la lumière  !

Mais si la nuit occlut notre œil, c’est afin que nous écoutions plus, non point avec les oreilles seulement, mais par les ouïes de notre âme respirante à la manière des poissons. Quelque chose s’accumule, mûrit dans le nul et vaste son nombre qu’un coup décharge. J’entends la cloche, pareille à la nécessité de parler, à la résolution de notre silence intestin, la parole intérieure au mot. Pendant le jour nous ne cessons pas d’entendre la phrase avec une activité acharnée ou par tourbillons, que tissent sur la portée continue tous les êtres reliés par l’obligation du chœur. La nuit l’éteint, et seule la mesure persiste. (Je vis, je prête l’oreille). De quel tout est-elle la division ? Quel est le mouvement, qu’elle bat ? Quel, le temps ? Voici pour le trahir l’artifice du sablier et de la clepsydre ; le piège de l’horloge contraint l’heure à éclater. Moi, je vis. Je suis reporté sur la durée ; je suis