Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA LAMPE ET LA CLOCHE


De cette attente de tout l’univers (et de mon malheur d’être vivant), l’une est le signe et l’autre l’expression, l’une, la durée même, et l’autre, tout à coup sonore, un moment. L’une mesure le silence, et l’autre approfondit l’obscurité ; l’une me sollicite et l’autre me fascine. Ô guet ! ô amère patience ! Double vigilance, l’une enflammée et l’autre computatrice !

La nuit nous ôte notre preuve, nous ne savons plus où nous sommes. Lignes et teintes, cet arrangement, à nous personnel, du monde tout autour de nous, dont nous portons avec nous le foyer selon l’angle dont notre œil est à tout moment rapporteur, n’est plus là pour avérer notre position. Nous sommes réduits à nous-mêmes. Notre vision n’a plus le visible pour limite, mais l’invisible pour cachot, homogène, immédiat, indifférent, compact. Au sein de cet obscurcissement, la lampe est, quelque part, quelque chose. Elle apparaît toute vivante ! Elle