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les moissons de la boue, et je m’engage peu à peu dans la gorge qui se resserre. Aux champs de cannes à sucre succèdent les roseaux vains, et, les souliers à la main, je traverse à trois reprises les eaux rapides rassemblées dans le corps d’une rivière. À cet endroit où elle naît du cœur d’une quintuple vallée, j’entreprends de trouver la tête d’un des rus qui l’alimentent. L’ascension devient plus rude à mesure que le filet des cascades s’exténue. Je laisse sous moi les derniers champs de patates. Et tout-à-coup je suis entré dans un bois pareil à celui qui sur le Parnasse sert aux assemblées des Muses ! Des arbres à thé élèvent autour de moi leurs sarments contournés et, si haut que la main tendue ne peut y pénétrer, leur feuillage sombre et net. Retraite charmante ! ombrage bizarre et docte émaillé d’une floraison pérennelle ! un parfum délié qui semble, plutôt qu’émaner, survivre, flatte la narine en récréant l’esprit. Et je découvre dans un creux la source. Comme le grain hors du furieux blutoir, l’eau de dessous la terre éclate à saut et à bouillons. La corruption absorbe ; ce qui est pur seul, l’original et l’immédiat jaillit. Née de la rosée du ciel, recueillie dans quelque profonde matrice, l’eau vierge de vive force s’ouvre issue comme un cri. Heureux de qui une parole nouvelle jaillit avec violence ! que ma bouche soit pareille à celle de cette