Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lumière. Je me tiens debout parmi l’air parfaitement blanc. Je célèbre avec un corps sans ombre l’orgie de la maturité. Ce n’est plus l’affamé soleil sous la force de qui tout à coup éclate, fleurit avec violence la terre suante et déchirée. Instant lustral ! Un souffle continuel vient sur nous d’entre l’Orient et le Nord. L’opulence de la moisson, les arbres, surchargés de leur récolte, remuent intarissablement repoussés sous l’haleine puissante et faible. Les fruits de la terre immensément sont agités dans la clarté purificatoire. Le ciel n’est plus bien loin au-dessus de nous ; abaissé tout entier, il nous immerge et nous mouille. Moi, nouvel Hylas, comme celui qui considérait au-dessus de lui les poissons horizontaux suspendus dans l’espace vitreux, je vois de ce lait, de cet argent où je suis noyé jaillir un éblouissant oiseau blanc à gorge rose et de nouveau s’y perdre de ce côté dont l’œil ne peut soutenir la candeur.

Et la journée tout entière n’épuisera point ma salutation. À l’heure sombre où, par la forêt d’orangers, le cortège nuptial armé de torches flamboyantes conduit la chaise de l’époux, au-dessus du cercle farouche des montagnes fumantes de tout mon être vers le Signe rouge que je vois s’élève l’applaudissement et l’acclamation. Je salue le seuil, l’évidence brutale de l’Espoir, la récompense de l’homme incompromis ;