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une moins béante lacune, de vains simulacres et leurs ruines. La Chine ne s’est pas, comme l’Europe, élaborée en compartiments ; nulles frontières, nuls organismes particuliers n’opposaient dans l’immensité de son aire de résistance à la propagation des ondes humaines. Et c’est pourquoi, impuissante comme la mer à prévoir ses agitations, cette nation, qui ne se sauve de la destruction que par sa plasticité, montre partout, — comme la nature, — un caractère antique et provisoire, délabré, hasardeux, lacunaire. Le présent comporte toujours la réserve du futur et du passé. L’homme n’a point fait du sol une conquête suivie, un aménagement définitif et raisonné ; la multitude broute par l’herbe.

Et soudain un cri lugubre nous atterre ! Car le gardien de l’enclos, au pied d’une de ces portes qui encadrent la campagne du dessin d’une lettre redressée, sonne de la longue trompette chinoise, et l’on voit le tuyau de cuivre mince frémir sous l’effort du souffle qui l’emplit. Rauque et sourd s’il incline le pavillon vers la terre, et strident s’il le lève, sans inflexion et sans cadence, le bruit avec un morne éclat finit dans le battement d’une quarte affreuse : do-fa ! do-fa ! L’appel brusque d’un paon n’accroît pas moins l’abandon du jardin assoupi. C’est la corne du pasteur, et non pas le clairon qui articule