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la soie dans les décombres : nous gagnons cet espace désert qui occupe le midi de l’enceinte.

Là, dit-on, se trouvait jadis la résidence Impériale. Et en effet, le triple guichet et le quadruple jambage de portes consécutives barrent de leur charpente de granit la voie large et dallée où notre pied s’engage. Mais l’enclos où nous sommes ne contient rien qu’une herbe grossière ; et au lieu où se rejoignent les quatre Voies qui sous des arches triomphales s’écartent vers les Quatre points cardinaux, prescription, inscription comme une carte préposée à tout le royaume, la Stèle impériale, raturée par la fêlure de son marbre, penche sur la tortue décapitée qu’elle chevauche.

La Chine montre partout l’image du vide constitutionnel dont elle entretient l’économie. « Honorons », dit le Tao teh king, « la vacuité, qui confère à la roue son usage, au luth son harmonie. » Ces décombres et ces jachères que l’on trouve dans une même enceinte juxtaposés aux multitudes les plus denses, à côté de minutieuses cultures ces monts stériles et l’étendue infinie des cimetières, n’insinuent pas dans l’esprit une idée vaine. Car dans l’épaisseur et la masse de ce peuple cohérent, l’administration, la justice, le culte, la monarchie, ne découvrent pas par des contrastes moins étranges