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explications pleines d’intérêt, et la glace fut rompue. Mlle Sylva était curieuse et ne dissimulait pas ses curiosités ; tour à tour les tentures en étoffe d’amiante, la vaisselle de famille aux armes ducales, les cloisonnés japonais et leurs orchidées provoquèrent des questions que Fierce eût trouvées enfantines dans une bouche moins séduisante. Mais au contraire, il prit plaisir à y répondre, et une causerie commença, qui fut bientôt très animée. La gaîté seyait a Mlle Sylva, et son rire était le plus joli du monde. Fierce prit toutes les occasions d’exciter ce rire qui le charmait, et la jeune fille trouva son cavalier fort agréable.

Ils bavardèrent. Fierce n’entendait rien aux jeunes filles ; et d’ailleurs, il ne croyait pas qu’il en existât. Les créatures baptisées de ce nom qu’il avait rencontrées çà et là, au cours de ses voyages, ou pendant ses stations en France, et dans les quatre salons parisiens où, de loin en loin, il continuait d’apparaître, lui avaient laissé de déplaisants souvenirs ; elles n’étaient que des ébauches de femmes, plus dépravées cependant et plus menteuses que ne sont les femmes. Il appréciait leur joliesse de bibelots délicats, mièvres et inachevés ; et il les regardait d’abord avec plaisir, mais pour les détester dès qu’elles ouvraient la bouche. Mlle Sylva, au rebours de toutes ces fractions de vierges méprisées, lui parut être principalement franche et candide, — jeune fille enfin, dans le vieux sens du terme. Il en fut surpris et satisfait, quoiqu’il doutât d’abord un peu de cette candeur et de cette franchise.