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des touches. Aux pas de Mévil, les nattes des dalles craquèrent. Elle tourna la tête, et vint au visiteur en lui tendant la main. Ils s’assirent face à face. Polie, elle le remercia d’avoir affronté l’averse : l’eau maintenant ruisselait aux vitres, et le salon, sombre à l’ordinaire, comme sont les salons annamites, prenait des airs de crypte ou de caverne. Mévil songea que c’en était peut-être une, la caverne du sphinx, dans quoi les victimes étaient déchirées.

Quand même, il manœuvra pour l’attaque. Mais plutôt que de marcher droit, il chercha un biais habile. Le mariage Fierce-Sylva lui vint à l’esprit.

— « Jacques de Fierce, dit-il, arrive ce soir du Cambodge. »

Mlle Abel s’étonna.

— « Êtes-vous sûr ? J’ai déjeuné ce matin chez Sélysette, qui n’en savait pas un mot.

— La nouvelle vient du Gouvernement.

— Tant pis : Les Sylva sont partis pour Mytho tout à l’heure, et ne reviendront qu’après dîner.

— Bah ! ils se verront demain. »

Les phrases s’enchaînaient mal. Il fit un effort ; — la question décisive lui semblait une montagne à soulever.

— « Un joli mariage, n’est-ce pas ?

— Très joli.

— Et qui sera heureux. »

Elle fit un geste d’ignorance.

« Vous ne connaissez pas Fierce. Il est mon ami de puis dix ans, et c’est la loyauté, la sincérité même,