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trop de pays rend vite sceptiques et libertines, et qui courent le monde sans trêve, pour n’être assujetties aux préjugés moraux d’aucun pays.

De ces femmes, il y en eut une qui s’occupa de Fierce. Le hasard les avait mis voisins à table ; ils échangèrent d’abord leurs noms, leurs pays, leurs races, — de quoi faire exacte connaissance, — avec la prompte curiosité des nomades qui n’ont pas le le temps de s’embarrasser dans une discrétion hors de propos. — Elle s’appelait Maud Ivory ; elle était Américaine de New-Orléans, — orpheline et libre, — pas mariée ; elle voyageait depuis trois ans, en compagnie d’une amie de son âge, Alix Routh, fiancée à Bombay, et qui probablement se marierait à leur arrivée dans l’Inde, — après quoi miss Ivory serait seule, et n’en mordrait pas moins large à sa facile existence de touriste avide de plaisirs et de plein air.

— « Nous venons d’Australie et de la Nouvelle-Zélande, disait-elle ; et quand Alix sera mariée, j’irai en Égypte, — d’abord. »

Fierce, curieux, l’interrogeait :

— « Donc, toujours en route ? jamais de repos ? et le home ?

— Plus tard, — plus tard. »

Il revoyait au fond de son cœur un foyer qu’il connaissait bien.

— « Et l’amour ?

— L’amour ? » — Elle le regarda, provocante :

— « Quand cela me plaît. »