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acceptaient sans répugnance l’étreinte rapide des soldats occidentaux. Par les fenêtres ouvertes, on apercevait les orgies d’en face ; des couples demi-nus s’apostrophaient d’une maison à l’autre. Et le tumulte de la rue montait, avec des appels provocants, des cris obscènes, des fureurs de rixes.

La ville de Hong-Kong n’occupe que les premières pentes de sa montagne. Plus haut, c’est l’étage des villas, des grands arbres et du silence. Des chemins ombreux surplombent en terrasses, et, par les nuits sereines, la lune, tamisée dans les feuillages, dessine sur le sol blanc des mosaïques d’ombre et de lumière.

Sur ces terrasses, exquises de fraîcheur et de calme laiteux, Fierce venait souvent rêver ses premières heures nocturnes. Mais pour rentrer à bord, il traversait ensuite la ville hurlante, pleine de rut. Et, tandis qu’il frôlait les portes mal fermées des bouges, et qu’il recevait en plein visage les bouffées de débauche qui en suintaient, de brusques réminiscences traversaient son cerveau et sa chair, — des réminiscences malsaines qui ressemblaient à des nostalgies.