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Mlle Abel prit son sourire de sphinx.

— « On a volé votre photographie dans mon album. Qu’en dites-vous ?

— Volé ma photographie ? Qui ?

— Naturellement je n’en sais rien. Un amoureux, je suppose.

— Ce serait une horreur, déclara Mlle Sylva avec indignation. Mais je crois plutôt qu’elle s’est perdue. Je vous en enverrai une autre. »

Elle vit un banc de pierre qui bordait l’allée, et, lasse de se promener à pas sages, sauta par-dessus.

— « Comme vous êtes jeune ! » dit Mlle Abel. — Elle parlait toujours d’une même voix cristalline et nette, quoi qu’elle dit.

Mlle Sylva revint à côté d’elle.

— « Marthe, c’est à moi de vous demander des nouvelles de votre amoureux. Est-ce que le docteur Mévil ne s’occupe pas de vous ? »

Marthe regarda le sable rouge de l’allée :

— « Si… peut-être ; et de beaucoup d’autres aussi. Ce n’est pas intéressant, le docteur Mévil.

— Je croyais — Mlle Sylva hésitait à se souvenir d’une parole de Fierce ; — je croyais qu’il s’occupait de vous plus que des autres…

— Il aurait tort ; — Mlle Abel marquait sa plus froide indifférence ; — qui vous a dit cela ?

— Personne, mentit Sélysette en devenant écarlate. Il ne vous plaît pas ? »

Marthe Abel fit une moue et sembla réfléchir à des choses lointaines.