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n’existe pas dans la langue commerciale de la Chine.

« Faire attention rien salir. Combien payer ? »

Bref calcul ; bref colloque en patois cantonais ; les carnets de papier de soie sortent des poches. — C’est tant. Il n’y a guère à marchander, parce qu’il s’agit d’un travail à la tâche. Fierce accoutumé le sait. Il acquiesce et s’en va.

Très inutile de surveiller un Chinois qui travaille. Il fera ce qui est convenu, scrupuleusement, et refuserait tout salaire plutôt que d’encourir un reproche.

Maintenant, la chambre grise est devenue bleue, — couleur des yeux de Sélysette. Fierce, content, regarde la nuance amie, — puis s’assied à sa table. Les livres sont encore ouverts à la page laissée : les Chinois méticuleux ont remis chaque chose à sa place exacte.

Ce sont des livres de tactique, des listes de phares, des instructions nautiques. Fierce maintenant sort des tiroirs fermés les plans secrets des batteries et des forts. Il déploie la carte marine du Donaï et des atterrages de Saint-Jacques.

Il s’agit d’une combinaison de blocus. Ce n’est point un travail ordonné. Fierce étudie pour lui-même, pour sa propre anxiété patriotique, les moyens les plus sûrs de défendre Saïgon contre une attaque ennemie.

— « Rien à tenter contre Saint-Jacques, murmure-t-il, à moins de folie manifeste, et vite châtiée… Mais un débarquement par l’Ouest est possible ; — oui. Il faudrait donc, dès la première nuit, briser le blocus ;