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dernières racines de cette bestialité qu’est la jalousie. Il ne broncha pas et sourit. Liseron lâcha le bras de Fierce, bouleversée d’une stupeur qui bâillonnait sa rage ; — Fierce, paisible, se rassit.

— « Rien n’est plus exact, » prononça-t-il.

Il cherchait un mot drôle qui fût d’à-propos ; il m trouva pas ; Mévil arquait des sourcils curieux, car la scène l’intriguait comme une charade. Fierce expliqua :

— « Tragédie renouvelée de l’histoire égyptienne : Putiphar ou le manteau arraché…

— Ma pauvre fille ! plaignit Mévil. Faut-il que tu sois du siècle dernier ! »

Ils lui riaient au nez, tous les deux, — tous les trois Elle se crut folle. Elle répétait : « J’ai couché avec… j’ai couché… » Tout à coup, sa colère reprit le dessus, mêlée cette fois d’une indignation singulière. Elle cracha :

— « Lâches ! Vous vous en foutez, que vos femmes couchent avec les premiers cochons venus ? Eh bien, moi, une putain, je vais vous appeler par vos noms : vous êtes des chiffes molles, des vidés, des pourris. On vous giflerait que vous ne sentiriez pas les gifles. Parce que ce n’est pas du sang que vous avez dans le ventre : c’est… »

L’ordure glissa sur leur ironie. Torral surtout dégustait ces insultes comme un hommage barbare à sa supériorité ; — c’est un plaisir de philosophe que de contempler le libre jeu d’un instinct nu ; — Torral riait sans colère et sans indulgence. Mévil, à peine