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tendresse et de foyer ; un mensonge, toutefois, qui trompera sans fin toutes les femmes, parce que toutes, sous les vernis divers de leurs éducations, de leurs modes et de leurs poses, cachent un fond identique de jobarderie sentimentale. — M. de Fierce est orphelin ; M. de Fierce n’a pas de maison, presque pas de patrie. Les deux femmes qui l’écoutent, sympathiques, cherchent délicatement à adoucir cette dure solitude.

— « Monsieur, dit Mme Sylva, j’ai peur qu’après tous vos voyages, vous n’ayez jamais encore découvert ce que la vie a de plus réconfortant, — le coin du feu ! Si vous voulez, vous connaîtrez le nôtre. Vous êtes presque le fils de mon vieil ami d’Orvilliers, qui fut le plus cher compagnon de mon mari. Ma maison est la vôtre… »

Elle tend sa vieille main restée douce et blanche, et Fierce y met un baiser recueilli. Mlle Sélysette approuve joyeusement :

— « Nous vous enrôlons ! Oh ! nous sommes une très petite bande, mais triée sur le volet ; chez nous, on ne flirte pas, on ne pose pas, on ne potine pas, — trois exceptions à Saïgon. On joue au tennis, — un vrai tennis, sérieux ; — on lit, on cause, on fait des promenades, — des grandes ; — et on ferme la porte au nez des gens désagréables. Une très, très petite bande : le gouverneur, les Abel, Mme Malais.

Mme Malais ?

— Vous la connaissez ?

— Très peu, mais davantage son mari, qui me