venir ininterrompu met forcément un lien, une parenté entre tous les hommes différents que vous croyez être à tour de rôle…
— Je n’ai ni famille, ni foyer, dit Fierce.
— Personne ?
— Personne.
— C’est bien triste à votre âge… »
Fierce réfléchit. Un foyer, c’est une prison ; cette prison se complique de chaînes : les parents, les amis ; — rien en cela qui l’ait jamais tenté. — Une famille ? monsieur, madame, et l’autre ; — des marmots piaillards et barbouillés ; — un peu de servitude, un peu de ridicule, un peu de déshonneur : séduisante mixture ! — Fierce va rire. Mais, levant les yeux, il voit cette famille qui l’étonné et le déconcerte : cette mère souriante et tendre, cette fille pure et délicieuse… et très sincèrement il répond :
— « Oui, triste, — quelquefois : quand il m’advient, juif errant que je suis, de découvrir, à une halte de ma route, un foyer paisible et chaud, et d’entrevoir, par une porte qui bâille, des maris contents, des femmes aimées, de beaux enfants. Ces soirs-là, mon navire est maussade, et ma solitude lourde, et malgré moi, je souhaite du mal à tous ces gens trop heureux. L’homme est une laide bête envieuse, qui ne prend sa joie que de la peine d’autrui, et réciproquement. »
C’est un mensonge bien rabâché que cette légende romanesque du marin errant, exilé de toute la terre, et nourrissant en silence une mortelle nostalgie de