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mieux. — « Épidermes ? corrigea Fierce ; pas même : muqueuses. Quatre décimètres carrés de peau. — Les variantes ? littérature ! C’est humiliant. » Pêle-mêle, il méprisa Mévil, assez fou pour aimer l’amour, et Torral, assez niais pour mettre le bonheur en formule : — Maximum de jouissances… — « Il n’y a pas de jouissances. Illusion… S’il y en avait, pourtant ? d’inconnues ? »

Un rayon du soleil déjà bas le frappa au visage. Il inclina son casque, et machinalement regarda autour de lui. Un écriteau nommait la rue, — rue des Moïs ; — les Moïs sont une ancienne peuplade indo-chinoise. — Fierce vit deux rangs de vieux arbres, et des jardins en bordure. Les maisons s’isolaient, clairsemées. La plus proche était une villa de style annamite, large et basse, avec des murs de briques et un toit surplombant ; une grande véranda d’ébène se cachait derrière un rideau de vigne vierge ; des banians très hauts jetaient leur ombre par-dessus les tuiles vernissées.

Une victoria attendait à la porte. Un boy tout petit tenait les chevaux sages, des chevaux de jeune fille ou de vieille dame. La rue, la maison, la voiture, et la jardin grave et joli qu’on apercevait dans la grille ouverte, s’accordaient pour une harmonie exquise de simplicité et de paix.

Fierce pensa : « Il doit faire bon vivre là-dedans, — à l’abri de toutes nos saoûleries et de tous nos ruts…

Il s’était arrêté près de la grille. Deux femmes sortirent de la maison ; et Fierce sentit un secret déclic jouer dans sa poitrine, sec comme une détente d’arme ;