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noirs, deux fois grands comme les poneys indochinois.

— « Vous incarnez la race que je déteste le plus, dit soudain le banquier : la race des anarchistes élégants. Et quand même, vous me plaisez. Je voudrais vous aider à sortir du bourbier où vous êtes, — un bourbier, ne dites pas non… Voyons, acceptez-vous un conseil ? Lâchez votre entourage habituel et fréquentez d’autres gens. Ce n’est pas un sacrifice pour vous, et vous ne risquez pas grand’chose à cet échange : Vous n’y tenez pas, aux Ariette, aux Rochet et à leur bande. Et sous le plâtre honorable qui les blanchit, si vous saviez la sinistre collection de gredins qu’ils sont ! Rochet ? un maître chanteur devenu gâteux. Ariette ? un ruffian doublé d’un menteur à gages. Sa femme ? une putain hypocrite ; j’aime cent fois mieux votre Liseron, qui ne se cache pas, ne trompe personne et n’exige point qu’on la respecte…

Je ne vous dis rien de Torral ni de Mévil : ce sont vos amis… et d’ailleurs, je ne les confonds pas avec la clique coloniale ; ils sont quelque chose de mieux, — et de pis : des intelligences dévoyées. — Peu importe. Ce que je veux vous dire, c’est qu’il existe d’autres gens que vous ne connaissez pas, et que vous auriez peut-être plaisir à connaître : les honnêtes gens. Il y en a, — très peu ; mais il y en a. Voulez-vous les voir ? Venez chez moi. Je ne suis fichtre pas un honnête homme !…

— Non ?

— Non. — Je suis un bandit, cher monsieur ; j’ai