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petite voiture des ataxiques ; — tandis que moi, jamais, — vous entendez, jamais ! — je ne cesserai de trouver bonne et savoureuse ma vie de fatigues et de batailles, ma vie de mouvement et d’action, parce qu’elle est en harmonie avec ce qu’il y a de plus fort et de plus sain dans l’homme : l’instinct combatif, — l’instinct de conservation. — Ma parole ! vous me faites philosopher. Philosopher, moi ! »

Il éclata de rire et se leva. Par une des portes-fenêtres, la salle de jeu envoyait à la terrasse le reflet de ses lumières et le tintement de ses piles de piastres.

« Monsieur de Fierce, dit soudain Malais, je veux ce soir vous initier à cette vie qui est la mienne. Venez là, nous jouerons. Nous jouerons sérieusement ; nous jouerons comme s’il ne s’agissait pas de tuer une soirée, mais de gagner une fortune. Et je vous promets de robustes émotions et des joies vigoureuses, sans mélange d’aucun frisson névrosé. Venez. »

Fierce renversa la dernière bouteille : elle était vide. Il se leva et suivit Malais sans mot dire ; gris, il parlait toujours très peu.

Sept, huit, neuf tables de poker ; et un baccara automobile ; — en tout, dix tapis verts s’étalaient sous le lustre électrique. Malgré les ventilateurs des quatre angles, malgré les pankas du plafond, malgré la nuit appelée par les fenêtres toutes ouvertes, il faisait plus chaud que dans une forge ; les cheveux collaient aux tempes, les plastrons détrempés mouil-