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dies de la valeur la plus haute en même temps que du plus franc comique. On n’a jamais raillé plus gaiement le plus noir des vices, l’ingratitude, que dans le Voyage de M. Perrichon qui fut pour Labiche une sorte de pont jeté entre le vaudeville d’autrefois et la comédie de toujours. Il avait, le philosophe, depuis longtemps, enfoui dans ses notes cette simple phrase : Les hommes ne s’attachent pas à nous en raison des services que nous leur rendons, mais bien en raison de ceux qu’ils nous rendent. Il y voyait un ironique sujet de comédie. Oui, mais l’ingratitude lui paraissait difficile à rendre gaie au théâtre, et Labiche est un satirique sans amertume qui veut bien se moquer des ridicules et les châtier, mais en se divertissant. L’ingratitude lui paraissait un sujet sombre, à la Théodore Barrière, et il laissait dormir l’idée ; ce fut Edouard Martin, son collaborateur, qui la réveilla un beau jour.

Martin, quand Eugène Labiche lui en parla, épousa cette idée avec tant de chaleur et de conviction que l’auteur du Misanthrope et l’Auvergnat — autre chef-d’œuvre — se laissa convaincre. « Il est probable que sans Martin la pièce n’eût jamais vu le jour », me disait Eugène Labiche.