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avait fait du bruit dans la Revue de Paris. Le directeur toisa le jeune homme, — un grand beau garçon solide, l’œil malicieux et le sourire fin, — et le convoqua pour lire ce drame devant le comité. Le théâtre du Panthéon avait un comité de lecture comme la Comédie-Française. Étrange comité, d’ailleurs. Le chapelier Tard avait composé son tribunal littéraire, j’allais dire son aréopage, de cinq chapeliers de la rive gauche. Le jeune auteur comparut devant les chapeliers et lut son drame.

Il était fort intrigué, pendant la lecture du premier acte, de voir son chapeau, qu’il avait posé sur la table, faire le tour du comité. Chacun regardait dans le fond de la coiffe. Le lecteur remarquait même qu’en se passant le chapeau l’un à l’autre, ses juges avaient aux lèvres un léger rictus dédaigneux, non dissimulé. On ne lui laissa pas même lire le second acte. La pièce fut refusée : ce débutant, qui lisait un drame à des chapeliers de la rive gauche, avait la maladresse de se coiffer chez un chapelier de la rive droite.

L’année suivante, un autre directeur, Théodore Nézel, prit le théâtre du Panthéon. Il n’était pas chapelier. Eugène Labiche (car