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ville pour un amoureux des cigales. Ce qu’on y entend, ce n’est pas le vol des ortolans dans les figuiers ou les chansons des magnanarelles, mais le bruit sourd des métiers des canuts. En 1856, à seize ans, Daudet entrait comme maître d’étude au collège d’Alais. Il a été pion, ce poète, comme Alphonse Karr, l’ami des fleurs. Un an après, il arrivait à Paris et apportait un volume de vers, ses premiers vers, les Amoureuses, à l’éditeur Tardieu, humouriste qui signa J.-T. de Saint-Germain, des nouvelles agréables, Pour une épingle, entre autres. Tardieu accepta les Amoureuses, et les publia. C’est dans les Amoureuses que les frères Lionnet allèrent « cueillir » les Prunes qu’ils disaient si bien. Daudet entrait, trois ans après, chez M. de Morny comme secrétaire. Il y pouvait rimer tout à son aise. Après une enfance douloureuse, une adolescence triste, le poète du Roman du petit Chaperon rouge se préparait, par un doux farniente, à une virilité laborieuse.

Mais, hélas ! il traînait justement, comme un léger boulet, le poids de ce joli livre de fantaisies. Le volume, qui vaut cher aujourd’hui, s’était peu vendu, et l’auteur en devait la facture de l’impression à l’imprimeur. Un matin