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On avait lu — avec quel plaisir raffiné ! — son petit poème attendri et narquois, la Double conversion ; on avait applaudi, à l’Odéon, la Dernière Idole, où débutait Rousseil ; à la Comédie-Française, l’Œillet blanc, où Mme Victoria Lafontaine portait lestement le travesti ; à l’Opéra-Comique, les Absents, où, tout en chantant, M. Capoul faisait, au bout d’un bâton, tourner des assiettes.

J’ai là, devant moi, tous ces livres de jeunesse. Le premier conte en vers, cette « double conversion » de la petite juive Sarah, qui se fait chrétienne pour épouser son André, et du petit André qui se fait juif pour devenir le mari de la jolie israélite, un poème railleur, qui se termine par un hymne à l’amour, doux comme un printemps :

Oh ! puisque l’amour est si grand,
Mignonne, qu’au fond de nos âmes
Il fait table rase en entrant
Et qu’il y trône en conquérant
Sur des débris et sur des flammes ;
Puisque nous voyons aujourd’hui
Que ni croyances ni systèmes,
Rien ne peut tenir contre lui,
Puisque je t’aime et que tu m’aimes,
Or donc pourquoi nous obstiner ?
Laissons faire l’amour, mignonne,
Et suivons l’élan qu’il nous donne.