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empreintes des outrages du temps ou de la stupide ou cupide barbarie de l’homme. On ne pourrait en citer qu'un bien petit nombre qui aient conservé leur tête, leurs mains et surtout leur nez : parties les plus fragiles, elles étaient les plus exposées ; aussi est ce déjà un grand mérite pour une statue de nous être parvenue dans son intégrité. Si l’on offrait dans un musée les statues telles qu’on les trouve ordinairement, il est peu de personnes pour qui fût soutenable la vue de ces débris. Ce serait un vaste hôpital après une sanglante bataille ; et encore dans un hôpital ces mutilations, ces blessures sont des trophées de la valeur, et mêlent de la gloire à ce douloureux spectacle ; on n’y est arrivé qu’en disputant la victoire. Mais une suite de statues privées d’une partie du corps, de leurs membres, les unes sans têtes, les autres sans jambes, n’excite que de stériles regrets pour elles et pour nous, et de l’indignation contre ceux qui les ont mutilées et ont détruit en partie nos plaisirs. On est donc obligé, en général, lorsqu'il y a possibilité, de restaurer les statues pour les offrir eux amateurs dans un état présentable ou qui ne les repousse pas. Mais il est important pour l'étude de l'artiste et du savant, et pour l'interprétation des sujets, que l'on ne confonde pas les parties restituées avec celles qui se sont conservées. Aussi n'ai je pas négligé, lorsque j'en ai eu la facilité, de les indiquer sur mes planches et dans mes explications. Il est à regretter que ce ne soit pas toujours praticable : peu d’ouvrages gravés donnent les restaurations ; bien des collections n’aiment pas à les voir signaler, et ne vous les fournissent pas, sans doute pour laisser croire au loin à l’intégrité de statues qui souvent n’ont presque que le nom d'antique, et qui, vues de près, trahissent bien vite tout ce qu’elles doivent au secours du ciseau moderne. L’amour propre des propriétaires ne jouit que jusqu'au moment des fatales découvertes, et il vaudrait mieux, dans l’intérêt de la science et de l'art, qu'on agît sans charlatanisme, et que de loin comme de près on sût à quoi s’en tenir. Il me semble que l’on y gagnerait ; car certainement un dessin qui n'indique aucune restauration doit rendre suspecte une statue antique, et si elle n’est pas parfaitement connue pour son entière conservation, ce qui est très rare, on peut soupçonner qu'elle a subi tant de restitutions qu’on est embarrassé de les désigner.

Beaucoup de statues sont des répétitions l'une de l'autre avec peu [XXIX]