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Sensations de Nouvelle-France

ment à la trouvaille de cet inconnu. Qui dira les enivrements de cette vie d’émotions et de dangers, où chaque jour les cœurs et les âmes s’agrandissaient, s’épandaient davantage, devant le déroulement, à l’infini, de ces paysages toujours neufs, toujours vierges, toujours superbes. On m’a déjà dit qu’un de mes ancêtres avait été, dans le temps, l’un de ces coureurs-des-bois. Cela doit être, car comme celui-là, et obéissant à un reste d’atavisme que je sens palpiter en moi, je voudrais fuir, moi aussi, ce terre-à-terre où je m’étiole, et me perdre, me fondre, dans ces lointains bleutés qui me semblent être les portiques d’un autre monde.

Oui, de quelle plume raconter tous ces enivrements, dont des demi-dieux, seuls, eussent été dignes. Mais, que dis-je, n’étaient-ils pas aussi quelque peu demi-dieux, tous ces preux de l’âge héroïque du Canada, que la divine nature saisissait ainsi par tous ses ensorcellements magiques, qu’elle faisait siens, qu’elle s’incorporait pour ainsi dire, qu’elle rendait chaque jour meilleurs et plus grands. Oh ! meilleurs, surtout. Chaque matin d’alors, quand ces voyageurs reprenaient la marche en avant, avec quelle allégresse attendrie ne devaient-ils pas remercier l’Éternel de leur avoir fait la vie si belle, si