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LA RÉVOLUTION

nurent — même par certains qui ne l’aimaient pas — avait sa source dans son cœur.

Dans la même lettre, Mme Roland qui avait les yeux ouverts sur les périls que les insurrections faisaient courir à la liberté des Législateurs — le crime du 31 mai suivant ne lui donna que trop raison — proposait, comme seul moyen de préserver la dignité de l’Assemblée, une garde à recruter dans les départements.

Et, trois semaines plus tard, en effet, on voit Roland profiter de la lecture d’un compte rendu pour recommander à l’Assemblée « de s’environner d’une force armée et imposante, levée dans les quatre-vingt-trois départements. » Le lendemain, Buzot, désormais en parfait accord politique avec Mme Roland, parla en faveur du projet — qui en resta là — mais fut plus tard utilisé contre le prétendu fédéralisme des Girondins.


Robespierre, Danton, Collot-d’Herbois, Billaud-Varennes étaient députés de Paris quand les abominables tueries de Septembre eurent lieu sous l’inepte prétexte d’une vaste conspiration machinée dans les prisons par les ennemis de la Révolution.

Des bandes d’égorgeurs envahirent l’Abbaye, les Carmes, la Force, etc., et massacrèrent pendant trois jours tout ce qui s’y trouvait, jusqu’aux folles de la Salpêtrière, jusqu’à des enfants assistés.

Privés de tous moyens d’action, les Girondins du ministère se demandaient si l’émeute n’allait pas enlever l’Assemblée et si, dans l’impuissance où ils étaient, le devoir n’était pas de transporter le gouvernement hors de la capitale. Avec quoi résister ? Avec qui ? Robespierre était caché chez Saint-Just, son meilleur élève. Danton « résolu à sauver l’État », disait-il, — ce sera son honneur tant que la France vivra, — semblait trop absorbé par le danger des frontières pour examiner bien curieusement ce qui se passait à l’intérieur. Roland et Servan adjuraient l’Assemblée de les aider à rétablir l’ordre, mais ne pouvaient se faire entendre.

Roland écrit alors aux députés par la plume de sa femme. Plus brave qu’adroite en la circonstance, elle menace Paris de