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LA RÉVOLUTION

Le lendemain, 21, la République était proclamée par la Convention.

Mais la grande Girondine avait usé dans des épreuves trop décevantes ses riches facultés d’admiration et d’enthousiasme. Elle tenait pour avilissante la position d’un gouvernement sans responsabilités où son mari ne pouvait demeurer qu’à la condition de se laisser conduire. Aussi comptait-elle sur l’élection de la Somme pour « sortir de place[1] », ce dont Brissot la gourmandait en déclarant que le départ de Roland serait « une calamité publique ».

La mémoire chargée de rancune, Danton se vengea de Mme Roland lorsque l’Assemblée, refusant d’accepter la démission du ministre de l’Intérieur, voulut le garder au ministère, malgré son nouveau mandat.

C’était le 29 septembre 1792.

Danton monta à la tribune et dénonça l’influence que Mme Roland exerçait sur son mari. Elle avait repoussé sa main tendue parce qu’elle y voyait des souillures. Il s’écria : « On ne peut pas faire de politique avec une femme et celle-ci a pensé à se sauver. »

Les Roland, touchés au vif, changèrent de tactique. Mais Mme Roland n’avait plus sa sagacité du commencement de la Révolution. Ici, tout son sang-froid l’abandonnait. Elle était mortifiée, énervée plus encore, et cela se voit dans la lettre qu’elle adressa au nom de son mari à l’Assemblée. Roland « renonce, dit-elle, au repos permis à sa vieillesse » pour « se dévouer jusqu’à la mort » ; surtout il clame très haut qu’il n’avait nullement songé à fuir après la prise de Longwy, ainsi que Danton l’avait insinué, mais que, l’ennemi avançant, le gouvernement était bien obligé de penser à sa sûreté. C’était l’évidence même.

Les Roland étaient pleins du plus sincère courage et le furent toujours. L’accusation de Danton était misérable. La lettre qui répondait à ses allégations exprimait une juste colère, mais se terminait dangereusement en désignant Danton parmi les mi-

  1. On ne pouvait être à la fois ministre et député.