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MADAME ROLAND

sociale et se heurtait à la misère des bassesses humaines.

La plupart des historiens ont écrit qu’à cette heure, le rapprochement de Danton et de la Gironde pouvait prévenir la Terreur et brider la Montagne aussi bien que la Commune, Robespierre comme Marat. Jugement hasardeux !

Si Mme Roland, qui fit manquer la réconciliation par son intransigeance, n’avait pas cru pouvoir fonder rien de sûr et d’honnête sur Danton, après tout elle avait des raisons qui étaient bonnes et on ne voit pas que, même en matière politique, l’abaissement des consciences ait jamais donné de si beaux résultats. On pourrait du reste tout aussi bien concevoir l’historien qui dirait : « Si les Girondins s’étaient rapprochés de Danton, ils eussent été bien naïfs de faire confiance à un homme qui les eût jetés par-dessus bord dès qu’il y eût trouvé son compte. »

Mais l’ennemi était là, et, devant lui, tout le pays se couvrait d’une population armée on ne sait comment et résolue à tout sacrifier pour défendre sa terre. Les Girondins croyaient que la France allait se battre pour la liberté du monde et qu’à l’exemple du peuple français, les pays voisins allaient se libérer de leurs tyrans. La désillusion fut une stupeur.

Malgré l’aversion générale, Girondins, Jacobins, Cordeliers sont d’accord pour donner à Dumouriez, qui paraît le plus capable de conduire la France à la victoire, le commandement général des troupes.

Barbaroux dit dans ses Mémoires :

Je fus témoin de la conduite de Roland envers Dumouriez, certainement auteur de l’intrigue qui l’avait expulsé du ministère (en juin). Mais depuis, Dumouriez avait utilement servi la patrie… Roland oublia son injure et proposa au conseil de nommer Dumouriez commandant en chef de l’armée… et Dumouriez sauva la France aux gorges d’Argonne.

Le 20 septembre, près de Valmy, une armée dépourvue de tout s’apprête à remporter sous Dumouriez et Kellermann une victoire d’immense répercussion.