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Qu'Épicure aille donc, s'il peut, lui dire ses paroles magiques,


Lorsque, livrant son corps aux plus cuisantes peines,

Le noir venin de I'hydre a passé dans ses veines.

Qu'Épicure lui parle ainsi : “ Philoctète, si la douleur est vive, elle dure peu. ” Mais déjà il y a dix ans qu'il gémit dans le fond de son rocher. “ Si elle est longue, elle est légère ; elle donne des intervalles de repos. ” Mais sont-ils fréquents ? Et puis, quelle sorte de relâche, quand le souvenir des douleurs passées est encore tout récent, et qu'on est à tout moment dans la frayeur qu'elles ne reviennent ? “ Qu'il meure ! ” dit-il. Ce serait peut-être le meilleur ; mais que devient ce grand principe, qu'il y a toujours plus de volupté que de douleur dans la vie du sage ? Alors, ne faites-vous pas mal de lui conseiller de mourir ? Dites-lui plutôt qu'il est indigne d'un homme de se laisser abattre à la douleur, et d'y succomber ; car ce n'est qu'un pur verbiage que de dire : “ Si elle est grande, elle est courte ; si elle est longue, elle est légère. ” La vertu, la grandeur d'âme, la patience, la force, voilà les remèdes de la douleur.

CHAPITRE XXX.

UNE LETTRE D’ÉPICURE MOURANT.

Pour vous en convaincre, sans aller plus loin, écoutez les aveux d'Épicure mourant, et voyez combien ses actions diffèrent de ses dogmes.

ÉPICURE À HERMARCHUS, SALUT. “ Je suis au plus heureux jour de ma vie, et en même temps au dernier, lorsque je vous écris ceci. J'ai des douleurs d'entrailles si cruelles,