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Q. Tubéron, son neveu, devançant tous les autres, se présente. Scipion, charmé de le voir et lui faisant un aimable accueil : Eh quoi ! mon cher Tubéron, lui dit-il, vous si matin chez moi ! ces jours de repos vous offraient cependant une belle occasion de vous livrer à vos études favorites. — J’ai tout le temps d’être avec mes livres, répondit Tubéron, car personne ne me les dispute ; mais c’est une bonne fortune que de vous trouver de loisir, surtout à une époque orageuse comme celle-ci. — De loisir, je le veux bien ; mais je vous avoue que vous me trouvez plus libre de corps que d’esprit. — Cependant, reprit Tubéron, il faudra bien que vous donniez aussi quelque relâche à votre esprit ; car nous sommes plusieurs qui avons formé le dessein, si notre empressement ne vous est pas importun, de venir goûter dans votre société le repos que les féries nous donnent. — Ce me sera une distraction fort agréable, et j’espère qu’elle nous rendra pour un temps aux douces préoccupations de la science.

X. — Voulez— vous donc, Scipion, puisque vous m’encouragez et me donnez l’espoir de vous entendre, que nous examinions ensemble, avant l’arrivée de nos amis, ce que ce peut être que ce second soleil dont on a annoncé l’apparition au sénat ? Ceux qui déclarent avoir vu deux soleils sont nombreux et méritent confiance ; il ne peut être question de contester ce prodige ; le mieux, selon moi, est de chercher à l’expliquer. — Que n’avons-nous ici, dit alors Scipion, notre ami Panétius, qui étudie avec tant d’ardeur tous les secrets de la nature, et surtout ces phénomènes célestes ! Mais, à vrai dire, Tubéron, car je veux vous déclarer franchement ce que je pense, pour toutes ces questions mystérieuses je ne m’en rapporte pas aveuglément à notre confiant ami ; bien des choses qu’il est déjà très hardi de conjecturer, Panétius les affirme avec tant d’assurance qu’il semble les voir de ses yeux ou les toucher de ses mains. Cette témérité me fait mieux apprécier toute la sagesse de Socrate, qui s’était interdit ces recherches curieuses, et avait pour maxime que la découverte des secrets de la nature excède la portée de notre esprit, et n’est absolument d’aucun intérêt pour la vie humaine. — Je ne sais, reprit Tubéron, pourquoi l’opinion s’est répandue que Socrate proscrivait toutes les recherches physiques et ne s’occupait que de morale. Qui peut nous faire connaître Socrate avec autant d’autorité que Platon ? et ne voyons-nous pas dans les dialogues du disciple le maître parler en plus de vingt endroits non pas seulement des mœurs, des vertus, de la république, mais des nombres de la géométrie divine, de l’harmonie des sphères, à l’exemple de Pythagore ? — Je suis loin de contester ce que vous dites, Tubéron ; mais vous devez savoir qu’après la mort de Socrate, Platon, emporté par l’amour de la science, alla d’abord en Égypte, et vint plus tard en Italie et en Sicile pour s’instruire dans la doctrine de Pythagore ; vous savez qu’il eut de fréquents entretiens avec Archytas de Tarente et Timée de Locres, qu’il recueillit tous les ouvrages de Philolaüs, et que dans ces contrées, que remplissait à cette époque la renommée de Pythagore, il se livra aux hommes de cette école et à leurs études favorites. Mais comme il avait voué un culte exclusif à Socrate et qu’il voulait lui faire honneur de toutes les richesses de son esprit, il unit avec art la grâce Socratique et son habile dialectique aux dogmes obscurs et aux graves enseignements de Pythagore.

XI. A peine Scipion avait-il prononcé ces der-