Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/22

Cette page n’a pas encore été corrigée
12
CICÉRON.

les, telles que je les ai prises dans ce livre qui, contient toute ta doctrine. Je les traduirai à la lettre, de peur qu’on ne m’accuse de t’en avoir imposé. « Je ne conçois pas. dis-tu, en quoi peut consister le vrai bien, si l’on écarte les plaisirs que produisent le goût, ou l’ouïe ; si l’on retranche ceux que cause la vue des choses agréables, et tous les autres que les sens procurent à l’homme. Et l’on ne peut pas dire que la joie de l’âme soit le seul bien désirable. Car je n’ai jamais reconnu cette joie, qu’à la seule espérance de goûter les plaisirs dont je viens de parler, et de les goûter sans aucun mélange de douleur. » À ces paroles il serait difficile de se méprendre sur la qualité des plaisirs d’Épicure. Un peu plus bas il dit encore : J’ai souvent été curieux de savoir de ceux qu’on appelle sages, quels étaient donc ces biens qui nous resteraient, si on nous retranchait les plaisirs des sens ? .Mais je n’ai reçu de leur part que de vaines paroles ; et dans le vrai, qu’on mette à part ces idées fastueuses et chimériques de vertu et de sagesse, qu’ils font sonner si haut, ils ne sauront plus que dire, à moins que d’en venir à ces sources de la volupté que j’ai ci-dessus indiquées. » Ce qui suit est dans le même goût ; et on trouve partout dans son livre du Souverain Bien, un pareil langage. Pour adoucir donc le chagrin de Télamon, Épicure, tu lui proposeras cette vie voluptueuse ? Quand tu verras quelqu’un de tes amis dans l’affliction, tu lui présenteras un esturgeon plutôt qu’un ouvrage socratique ! Tu l’inviteras a entendre un concert d’instruments plutôt qu’un Dialogue de Platon ? Tu le mèneras promener dans des prairies émaillées de fleurs ? Tu lui mettras sous le nez des sachets odoriférants, des parfums délicieux ? Tu le couronneras de roses et de jasmins ? Enfin quelque amourette, ajoutée à cela par tes sages conseils, achèvera entièrement sa guérison.

XIX. Ou Épicure avouera de bonne foi que ce sont là ses dogmes ; ou il effacera de son livre les passages que j’en ai fidèlement extraits. Disons mieux, il faut effacer ce livre tout entier, car il n’est farci que de ces voluptueuses maximes. Pour consoler donc ce roi détrôné, qui déplore ainsi ses malheurs :

Ami, quand tu sauras mon illustre origine,
Quels furent mes trésors ei, le sceptre d’Égine ;
Enfin quel fut l’éclat dont le soit m’a fait choir,
Tu ne blâmeras plus mon juste désespoir ;


eh bien ! nous lui ferons apporter d’un vin exquis, ou quelque autre chose de semblable ? Mais voici un autre objet également touchant, que le même poète nous met devant les yeux.

C’est la veuve d’Hector, dont les lugubres cris
Appellent son époux au secours de son fils.


Accourons à son aide, elle mérite notre pitié. Écoutons ses plaintes :

Mais où prétends-tu fuir, princesse infortunée ?
De cruels ennemis sans cesse environnée,
Captive dans ces murs, sans parents, sans appui,
Quels conseils, quels secours, puis-je attendre aujourd’hui ?
Patrie, amis, trésors, époux, grandeurs suprêmes, Enfin j’ai tout perdu, jusques à mes Dieux mêmes. Je les ai vus en flamme, et leurs autels brisés, Se mêler aux débris des temples embrasés.


Vous savez ce qui suit, et surtout ce bel endroit

Ô patrie ! ô mon père ! ô guerriers pleins de gloire !

omnem disciplinam tuam (fungar enim jam interpretis munere, ne quisme putel fingere) dicis hæc : « Nec equidem babeoquid intelligam bonum illud, detrabens eas vo4optates, quas sapore percipiuntur ; detrabens easquœ anditu, et cautibus ; detrabens <~i-< etiam, quae ex formis ipiuntaroculis, suaves motiones, sivequae aliae voloplates in toto Domine gignuntur quolibet sensu. Necvero l etitiam solam esse m bonis. Lae-

lardon enim mentem iia n >i, spe eorum omnium, quae Mpra dixi, fore ut natura iis potiens dolore careat. » Alqne base quidem bis vernis, quivis ut intelligat quam volui ; an fiorit Epicurus. Deiude paulo infra : « Saspe pi.t-Mvi inipiit et ii-^, qui appetlantur sapientea, quid créai, quoi in bonis relinquerent, -i illadetraxi&t -i reOent voces inanes fundere : nibil ah bis potui qui -i virtutes ebullire volent, <-i sapientias, niliil aliud dicent, nisi eam viam, qui efficiantur eœ voluptates, qoas supra dixi. » Quœ seqnuntur, in eadem il : lotosque liber, qui est de summo bono, Rfertosef verbis, et gententiis talibus. Ad hanecine i^itur xitam Tdamonem flhnn revocabis, ut levés aegritudinem ? -i quemtuorum afilictum mœrore videfis, buic acipenrem potins, quam aliquem Socraticum hhellum dabis ? bortabere utaudiat voces potins, quam Plalonîs ? exposes, quae ^per.tet florida, et varia ? fasrîcnlum ad nares admovehisT inceodes odores ? et sertis rediroiri jubébis, et rosa ? Si vero aliquid etiam : tum plane liicfum omnem abstciseris ?

XIX. Ha’c Epicuro confitenda sunt, aut ea, (pire modo expressa ad verbumdixi, tollenda delibro, vel lotus liber potins abjiciendus. Esl enim confertus voluptalibus. Qtiirrendum igitur, quémadmodum aegritudine privemus eum, qui ita dicat :

….pol mihi fortuna magis nunc delit, quam genua : Namque regnum suppetebat mihi : ut Bcias quanto e loeo, Quantis opibus, quibu’ de relms lapsa fortuna occidat.


Quid ? huic calix mulsi impingendus est, ut plorare desinat, aut aliquid ejusmodi ? Ecce tibi ex altéra parte ah eodem poeta :

Es opibnt summis opis egens, Hector, tuœ.


Huic subvenire debemus : quærit enim auxilium.

Quid petam praesidL, aut exsequar ? quove nunc Auxilio exsflii aut fugœ fréta sim’.’ Arce, et urbe orba sum : quo accedam ?quoapplicem ? Cui oecara patriae domi staut : tracte, et disjectæ jacent, Fana flamma deflagrata : tosti alti stant parietes. Deformati, atque abiete crispa.


Scis, quæ sequantur : et illud in primis :

O pater, ô patria, ô Priami domus