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IV. Puisque nous cherchons nous-mêmes ce que l’on doit penser de la divination ; que c’est un sujet que Carnéade a discuté longuement avec autant de pénétration que de fécondité contre les Stoïciens, et que nous devons craindre l’erreur ou la précipitation, il me semble que c’est un devoir pour nous de comparer entre eux avec soin les arguments opposés, comme nous l’avons fait dans nos trois livres sur la nature des Dieux. Car si la crédulité téméraire et l’erreur sont toujours honteuses, la honte n’est-elle pas plus grande encore lorsqu’il s’agit de décider jusqu’à quel point nous devons déférer aux auspices, aux choses divines, et au culte des Dieux ? Ne courons-nous pas alors le danger, ou de tomber dans l’impiété, si nous les méprisons à tort, ou de partager une puérile superstition, si nous en sommes les dupes ?

V. Dernièrement à Tusculum mon frère Quintus et moi nous discutâmes à fond ces matières, qui souvent déjà avaient été l’objet de nos entretiens. Comme nous nous promenions dans mon Lycée, c’est le nom du gymnase supérieur : J’ai achevé, me dit Quintus, de lire votre troisième livre de la nature des Dieux ; et quoique la dissertation de Cotta ait affaibli ma conviction, elle ne l’a point toutefois entièrement détruite. – Vous avez raison, répondis-je ; car le but de Cotta est plutôt de réfuter les arguments des Stoïciens que de renverser les opinions religieuses des hommes. – Je sais bien, répliqua Quintus, que Cotta dit et répète cela souvent, peut-être pour ne point paraître abandonner le culte public ; mais, par excès de zèle contre les Stoïciens, il me semble rejeter entièrement les Dieux. Je ne crois pas cependant qu’il soit besoin de répondre à son discours ; car Lucilius dans le second livre défend victorieusement la religion, et vous-même déclarez à la fin du troisième que l’opinion de ce dernier vous paraît se rapprocher davantage de la vérité. Mais comme vous avez omis dans ce traité de parler de la divination, c’est-à-dire de l’annonce et du pressentiment des choses réputées fortuites, sans doute parce que vous avez cru qu’il était plus convenable d’examiner et de discuter ces matières séparément, voyons maintenant, si vous voulez, quelle est la nature et la puissance de cette faculté. Pour moi, j’estime que si les divers genres de divination admis et cultivés par nous sont vrais, il existe des Dieux, et réciproquement que s’il y a des Dieux, la divination est incontestable.

VI. C’est la citadelle même des Stoïciens, dis-je à Quintus, que vous défendez, en admettant leur double argument que la divination prouve les Dieux, et réciproquement les Dieux, la divination. Mais aucune de ces deux propositions ne doit être admise aussi facilement que vous le croyez ; car l’avenir peut être dévoilé par la nature sans l’intervention d’un Dieu, et il peut se faire que les Dieux existent sans qu’aucune faculté de divination ait été accordée au genre humain. – Pour moi, répliqua-t-il, il me suffit d’avoir des preuves claires et certaines de la divination, pour être convaincu qu’il existe des Dieux et qu’ils veillent sur les hommes. Je vais, si vous le permettez, vous exposer ce que j’en pense, pourvu toutefois que vous ayez le loisir de m’entendre,