Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/15

Cette page n’a pas encore été corrigée
5
TUSCULANES, LIV. III.

non-seulement le chagrin, qui est ici notre principal objet, mais encore toutes les passions en général. Et premièrement, si vous l’agréez, disputons à la manière des Stoïciens, qui se plaisent à serrer leurs raisonnements. Je me donnerai carrière ensuite, selon ma coutume.

VII. Quiconque a du courage, présume bien de soi. J’aurais pu dire, qu’il est présomptueux, si dans l’usage ce mot, qui devrait marquer une vertu, ne caractérisait un vice. Or quiconque présume bien de soi, ne craint point : car la crainte ne compatit pas avec la confiance. Mais celui qui est susceptible de chagrin, l’est aussi de crainte : car des mêmes choses, dont la présence nous afflige, les approches nous font trembler. Ainsi le chagrin répugne au courage. Il est donc vrai que quiconque est capable de s’affliger, est capable de craindre, et de tomber dans cette abjection d’esprit qui détermine à souffrir la servitude, et à s’avouer vaincu. En venir là, c’est reconnaître sa lâcheté et sa faiblesse. De tels sentiments ne tombent point dans une âme courageuse : donc le chagrin n’y tombe point. Or le sage est nécessairement courageux : donc le sage n’est pas capable de s’affliger. Un homme courageux doit de plus avoir l’âme grande, celui qui a l’âme grande est incapable de céder ; et celui qui est incapable de céder doit mépriser toutes les choses du monde et les regarder comme au-dessous de soi. Or nous ne saurions regarder ainsi les choses qui peuvent nous chagriner ; l’homme courageux n’est donc point susceptible de chagrin ; et puisque tout sage est courageux, le chagrin n’entre donc point dans son cœur. Un œil malade, ou quelque autre partie du corps que ce soit, quand elle est indisposée, est peu propre à faire ses fonctions : il en est de même de l’âme, lorsque quelque passion l’agite. Or la fonction de l’âme est de bien user de sa raison, et par conséquent l’âme du sage, toujours en état de faire un très-bon usage de sa raison, est toujours calme : d’où il s’ensuit que le chagrin, qui troublerait son âme, n’y pénètre jamais.

VIII. Ajoutons un raisonnement, où me conduit la nature de la modération, que nous appelons tantôt tempérance, tantôt modestie, et quelquefois continence, ou intégrité. Celui qui la possède a proprement parmi nous le nom d’honnête homme, dont la signification est très-étendue, et marque une disposition de l’âme, qui la porte à s’abstenir de tout ce qui peut nuire aux autres. On peut même dire que ce nom renferme toutes les vertus ; autrement le titre d’honnête homme, donné autrefois à Pison, n’aurait pas été si fort exalté. Car comme il ne peut convenir au lâche, qui par crainte a abandonné son poste à la guerre ; à l’injuste, qui par avarice a violé un dépôt ; au fou, qui par sa mauvaise conduite a dissipé son bien ; il est évident que la qualité d’honnête homme renferme ces trois vertus, le courage, la justice, et la prudence. Mais, quoique les vertus aient cela de commun entre elles, qu’elles sont toutes liées les unes aux autres, et se tiennent comme par la main, c’est le propre de la modération, que je compte

fore. Quamobrem, quoniam cœpimus, tradamùs dos ci curandos : sanabimur, si volemus. Et progrediar quidem longius : non enim de œgriludine soliim, quanquam id quidem primum : sed de omni animi, ut ego posui, perturbatione, (morbo, ul Groeci volunt) explicabo. Et primo, si placet, Stoicorum more agamus, qui breviter asttingere soient argumenta : deindenostroinstiluto vagabimur. VII. Qui fortis est, idem est fidens : quoniam conlidens mala consuetudine loquendi invitio ponitur, ductum verbum a conlidendo, quod laudis est. Qui autem est fidens, is profeclo non exlimese.it : discrepat enim a limendo. confidere. Atque in quem cadit a ?giïludo, in eumdem timor : quarum enim rerum prœsentia sumus in eegritudine, easdem impendentes, et venientes timemus. lia fil, ut fortiludini aegritudo repugnet. Verisimile est igitur, in quem cadatœgritudo, in eumdem cadere timorem, et infractionem quamdam animi, et demissionem : quae in quem cadunt, in eumdem cadit ut servial, ut viclum se quandoque esse fateatur. Quae qui recipit, recipiat idem necesse est timiditatem, et ignaviam. Non cadunt aulem Ii.tc in virum forlem : igitur ne aegritudo quidem : at nemo sapiens, nisi fortis : non cadit ergo in sapientem aegritudo. Pra.’terea necesse est, qui foi lis sit, eumdem esse magni animi : qui magni animi sit, inviclum : qui invictus sit, eum res bumanas despicere, atque infra se positas arbilrari. Despicere autem nemo polest eas res, propter quas œgritudine aflici polest. Ex quo efficitur, fortem virum regritudine nunquam aiïici. Omnes autem sapientes, fortes ; non cadit igitur in sapientem segritudo. Et quemadmodum oculus conturbatus non est probe affectas ad suum munus fungendum : et reliquat partes, totumve corpus, statu cum est mortum, deest oflicio suo, et muneri : sic conturbatus animus non est aptus ad exequendum munus suum. Munus autem animi est, ratione bene uti : et sapientis animus ita semper affeclus est, ut ratione optime utatur : nunquam igilurestperturbatas. At aegritudo, perturbatio est animi : semper igitur ea sapiens vacabit.

VIII. Veri etiam simile illud est, qui sit temperans, quem Gra^ciirwspovaappellanl, eamque virlutem <rw^po<7Ûvr]v vocant, quam soleo equidem tum temperantiam, tummoderationem appellare, nonnunquam eliam modesliain : sed baud scio,an recte eavirtus frugalitas appeUari possit, quod angustius apud Graecos valet : qui frugi hommes y^ai^oM^ appellant, id est, tantummodo utiles : at illud latins. Est enim omnis abstinentia, omnis innocenlia, quaeapud Gra*cos usitatum nomen nulliim habet, sed babere potest à6),àa£tav : nam est innocenlia, affecîio lalis animi, qua ? noceal nemini. Keliquas etiam virtutes frugalitas continel. Quae nisi tanla esset, et si iis angustiis, quibus plerique pulant, teneretur, nunquam esset L. Pisonis cognomen tanlopere laudatum. Sed quia nec qui, propter metum, praesidium reliquit, quod est ignaviœ : nec, qui propter avaîiliam, clam depositum non reddidit, quod est injustitiae : nec qui, propter lemeritatem, maie rem gessit, quod est stullitia", frogi appellari solet : eo 1res virtutes, fortitude