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DE LA NATURE DES DIEUX, LIV. II.

à-dire, par ce feu artiste, qui est le maître des autres arts. Toute nature particulière est artiste par la même raison, puisqu’elle opère conformément à une certaine méthode, dont elle ne s’écarte point. À l’égard de la nature universelle, qui embrasse toutes les autres, Zénon ne dit pas simplement qu’elle soit industrieuse, mais il dit absolument que c’est l’artiste, chargée de penser et de pourvoir à tout ce qu’il y a de commode et d’utile. Et comme les natures particulières sont toutes formées, accrues et conservées par leurs semences : de même la nature universelle, maîtresse de tous ses mouvements, agit conformément à ses volontés, ainsi que nous, qui avons une âme et des sens pour nous conduire. Telle est donc l’intelligence de l’univers ; et par conséquent le nom de Providence lui convient, puisque sa plus grande étude, son premier soin est de pourvoir à ce qu’il soit toujours bien constitué, à ce qu’il ne manque absolument de rien, et à ce qu’il rassemble toutes les beautés, tous les ornements possibles.

XXIII. J’ai parlé jusqu’à présent de l’univers en général, j’ai parlé des astres ; et déjà l’on voit presque une infinité de Dieux qui sont toujours en action, mais sans que leur travail leur soit à charge. Car ils ne sont pas composés de veines, de nerfs, et d’os ; leur breuvage, leurs aliments ne sont pas tels, qu’ils leur causent des humeurs trop subtiles, ou trop grossières ; leurs corps n’ont à craindre ni chutes, ni coups, ni maladies de lassitude. Pour en garantir ses Dieux, Épicure les fait monogrammes et oisifs. Mais les nôtres, souverainement beaux, et placés dans la plus pure région du ciel, règlent tellement leur cours, qu’ils paraissent avoir conspiré au salut et à la conservation de tous les êtres. Outre ces Dieux-là, il y a encore beaucoup d’autres natures qui à cause de leurs grands bienfaits, ont été divinisées avec raison par les sages de la Grèce et par nos ancêtres, dans la persuasion où ils étaient que tout ce qui procure une grande utilité aux hommes leur vient d’une bonté divine. Les noms qui furent donnés à ces dieux ont passé à ce qu’ils produisent ; comme quand nous appelons le blé Cérès, et le vin Bacchus : d’où vient ce mot de Térence,

Sans Cérès et Bacchus, toujours Vénus est froide.

On a fait aussi le nom d’un Dieu, du nom d’une chose qui a quelque vertu singulière ; par exemple, la Foi, l’Intelligence. Depuis peu Scaurus les a placées au Capitole parmi les divinités. La Foi y avait déjà été mise par Calatinus. Vous avez devant les yeux le temple de la Vertu, et celui de l’Honneur, rétabli par Marcellus, érigé autrefois par Fabius pendant la guerre de Ligurie. Parlerai-je des temples dédiés au Secours, au Salut, à la Liberté, à la Concorde, à la Victoire, qui sont choses qu’on a déifiées, parce que leurs effets ne sauraient être que ceux d’une puissance divine ? C’est ce qui a fait consacrer pareillement les noms de Cupidon, de la Volupté, de Vénus, quoique choses vicieuses, et que Velléius a tort de regarder comme naturelles, car elles outrent souvent la nature. Tout ce qui était donc d’une