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DE LA NATURE DES DIEUX, LIV. II.

de beaucoup celle de tout autre feu, puisqu’elle brille dans tout l’univers ; et nous sentons que non seulement il échauffe, mais que souvent il échauffe même jusqu’à brûler. Il ne ferait ni l’un ni l’autre, s’il n’était de feu. Puis donc que le soleil est un corps igné, à qui les vapeurs de l’océan servent d’aliment, n’y ayant point de feu qui n’ait besoin de quelque nourriture pour se conserver : il ressemble, dit Cléanthe, ou à ce feu dont nous usons pour nous chauffer et pour cuire nos viandes, ou à celui qui est renfermé dans le corps des animaux. Le premier est un feu dévorant, qui consume tout ce qu’il rencontre ; mais le second est ami du corps, il est salutaire, il vivifie tous les animaux, les fait croître, les conserve, les rend sensitifs. Ainsi le feu du soleil, ajoute Cléanthe, est indubitablement de cette dernière espèce, puisqu’il en a toutes les propriétés. Ce qui prouve que le soleil est animé ; et non-seulement le soleil, mais encore tous les astres qui naissent dans ce que nous appelons l’éther, ou le ciel. La terre produit des animaux, l’eau et l’air eu produisent ; Userait ridicule, selon Aristote, de s’imaginer qu’il ne s’en forme point dans la région la plus capable d’en produire, qui est celle où sont les astres. C’est là que réside l’élément le plus subtil, dont le mouvement est continuel, et dont la force ne dépérit point ; où par conséquent l’animal doit avoir le sentiment très-vif, et une activité très-grande. Les astres, puisqu’ils y sont produits, sont donc sensitifs et intelligents, à un degré qui les met au rang des Dieux.

XVI. Car nous voyons que les personnes qui respirent un air subtil et pur ont plus d’esprit, plus de pénétration, que n’en ont ceux qui respirent un air épais. On croit même que la qualité des aliments contribue à la qualité de l’esprit. Il est donc probable que l’entendement des astres est d’un ordre supérieur, puisqu’ils habitent la région éthérée, où ils ont pour aliment les vapeurs de la terre et de la mer, subtilisées par ce long trajet qu’elles ont à faire d’ici au ciel. Mais la principale marque de leur intelligence, c’est la règle qu’ils observent toujours. Car tout mouvement où l’on découvre une fin et de la justesse suppose un principe intelligent, qui n’agit pas aveuglément, qui ne varie pas, qui ne se laisse pas guider au hasard. Or le cours des astres suit de toute éternité une règle pleine de raison, et dont la cause doit par conséquent se trouver, non pas dans la nature, ni dans la fortune, qui, amie du changement, est incompatible avec la constance ; mais dans eux-mêmes, dans leur âme, dans leur divinité. Tout mouvement est naturel, ou violent, ou volontaire. C’est une remarque d’Aristote, qui là-dessus examine quel est celui du soleil, de la lune, et des autres astres. Puisqu’ils se meuvent orbiculairement, ce n’est pas un mouvement naturel, comme quand une ci. est portée en bas par sa pesanteur, ou en haut par sa légèreté. On ne saurait dire non plus que ce soit un mouvement violent, et contre nature : car quelle force pourrait violenter les astres ? Reste donc que leur mouvement soit volontaire. Ainsi, pour quiconque les voit, il y a de l’ignorance et de l’impiété tout ensemble à nier qu’il y ait des Dieux. Et comme il me semble que ne rien