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CICÉRON.

fait rien. Un tel être, premièrement, n’est pas un être possible : et quand Épicure a représenté ainsi les Dieux, il n’a voulu que conserver le mot en supprimant la réalité. Mais, en second lieu, s’il est vrai qu’un Dieu ait cela de propre et d’essentiel, qu’il n’aime point les hommes, et ne fasse rien pour eux : eh bien, laissons-le pour tel qu’il est. Car lui demanderai je qu’il m’assiste ? Il ne saurait assister personne, puisqu’il faut de la faiblesse, dites-vous, pour être capable d’aimer les autres, et de leur faire du bien.


LIVRE SECOND

I. Quand Cotta eut parlé : À quoi pensais-je, dit Velléios, de me jouer à un Académicien, qui est rhéteur en même temps ? Un Académicien, s’il eut ignoré l’art de la parole, ne m’eût pas fait peur ; non plus que le rhéteur le plus éloquent, s’il eût ignoré cette espèce de philosophie. On ne me démonte, ni par un pompeux verbiage qui n’a rien de solide, ni par de simples raisonnements qui ne sont pas développés avec grâce. Pour vous, Cotta, vous avez brillé par l’un et par l’autre endroit : il ne vous a manqué que des juges, et un auditoire nombreux. Une autre fois, nous reprendrons notre dispute ; mais présentement, si c’est la commodité de Balbus, écoutons-le. J’aimerais mieux, reprit Balbus, que Cotta lui-même continuât le discours, à condition que cette éloquence, dont il vient de terrasser de faux Dieux, lui servirait à établir les véritables. Car enfin, sur une si grande matière, les opinions vagues et flottantes de l’Académie ne sont pas ce qui convient à un philosophe, à un pontife, à un homme tel que Cotta : il lui faut un dogme certain et stable, comme le nôtre. Voilà Épicure plus que suffisamment réfuté : sachons, Colla, de quel sentiment vous êtes. Vous ne vous ressouvenez donc point, lui dit Cotta, de l’aveu que je vous ai fait d’abord ? Que sur ces sortes de matières principalement, il m’en coûtait moins d’attaquer l’opinion d’autrui que de fixer la mienne. Mais quand j’aurais quelque certitude là-dessus, je voudrais, après vous avoir déjà tenu si longtemps, vous entendre parler à votre tour. Puisque vous l’ordonnez, répondit Balbus, je vais traiter ce sujet le plus succinctement que je pourrai. Votre réfutation d’Épicure me sauve déjà une bonne partie de ce que j’aurais eu à dire. Pour embrasser donc toute la question à la manière de nos Stoïciens, divisons-la en quatre parties. La première, qu’il y a des Dieux. La seconde, quels sont les Dieux. La troisième, qu’ils gouvernent l’univers. La quatrième, qu’ils veillent en particulier sur les hommes. Prenons aujourd’hui les deux premiers articles ; et comme les deux autres sont d’une plus longue discussion, nous ferons bien de les remettre à une autre fois. Que tout soit pour aujourd’hui, dit Cotta : car nous sommes maîtres de notre temps, et quand nous aurions des affaires, elles devraient toutes céder à celle qui nous occupe.

II. À l’égard du premier article, dit Balbus, il paraît n’avoir pas besoin de preuve. Car peut-on regarder le ciel, et contempler tout ce qui s’y passe, sans voir avec toute l’évidence possible qu’il est gouverné par une suprême, par une divine intelligence ? Autrement, les hommes au-