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elles sont mortes les lois qui le défendent. Elle n’est plus notre république telle qu’elle était jadis. Ils ne sont plus ces tribunaux sévères où l’accusateur se croyait bien terrible quand il disait : « Quel besoin aviez-vous d’un vaisseau, puisque, si les affaires publiques vous obligeaient de vous déplacer, le gouvernement vous fournissait une escadre pour votre sûreté, et que vous ne pouviez vous éloigner de votre province pour des intérêts particuliers, ni rien faire transporter d’un pays où tout achat d’immeubles, toute espèce de trafic vous étaient interdits ? »

Et d’ailleurs de quel droit avez-vous acquis, lorsque la loi vous le défendait ? Un tel grief aurait pu avoir quelque importance dans un temps où notre république conservait ses vertus et sa sévérité antiques. Aujourd’hui, non seulement je ne me prévaudrai pas de ce délit, je ne vous en ferai pas même un reproche. Mais enfin avez-vous pu espérer que, sans encourir l’infamie, la vindicte des lois et l’indignation publique, vous pourriez vous faire construire un vaisseau de charge à la vue de tous, dans l’endroit le plus fréquenté de la province soumise à votre pouvoir ? Qu’ont pu dire et penser ceux qui en ont été témoins, ou qui l’ont appris par le bruit public : Que vous ramèneriez ce navire en Italie sans chargement, qu’il vous servirait, quand vous seriez de retour, à faire le commerce maritime ? Personne ne pouvait non plus supposer qu’ayant des terres sur nos côtes, vous destinassiez ce bâtiment à transporter vos récoltes. Vous avez donc voulu que, dans tous les entretiens, on dît hautement que vous faisiez construire un vaisseau pour emporter avec vous une riche partie des dépouilles de la Sicile, et pour revenir ensuite y charger en plusieurs voyages le butin que vous aviez laissé.