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contre un homme d’avoir été, chose encore sans exemple, accusé publiquement, bien qu’en son absence, par ceux dont il tenait la fortune et les enfans sous son autorité et en sa puissance ! Les injustices de Verrès étaient si révoltantes, qu’ils aimaient mieux s’exposer à tout que de ne pas se plaindre de tant de vexations. Malgré la circulaire presque suppliante qu’il avait adressée à toutes les cités, Metellus ne put obtenir nulle part que les terres fussent ensemencées comme elles l’avaient été autrefois ; car un grand nombre de laboureurs s’étaient enfuis, ainsi que je l’établirai : fatigués de ses actes tyranniques, leurs exploitations, et jusqu’à leurs foyers paternels, ils avaient tout laissé.

Assurément, juges, mon intention n’est point d’exagérer les crimes de l’accusé ; mais ce qu’ont vu mes yeux, ce que mon cœur a éprouvé, voilà ce que je veux vous exposer franchement et avec toute l’exactitude dont je suis capable. Lorsque après quatre ans d’absence je revis la Sicile, elle me présenta l’aspect d’un pays qu’aurait dévasté une guerre longue et cruelle. Ces plaines et ces collines que j’avais laissées si riches et si verdoyantes, étaient désertes et stériles ; la terre même semblait regretter les mains qui la cultivaient, et pleurer un maître. Les campagnes d’Herbite, d’Enna, de Morgante, d’Assore, d’Imachara, d’Agyrone, étaient si généralement abandonnées, que je cherchais ce qu’étaient devenus non pas seulement tant de terres labourées, mais encore leurs nombreux propriétaires. La plaine d’Etna, ordinairement si bien cultivée, et celle de Leontium, la principale source de nos approvisionnemens, cette campagne naguère si riche en espérance que, lorsqu’elle était ensemencée, on ne craignait point le renchérissement des denrées, étaient