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cette ordonnance : Vous livrerez votre blé avant les kalendes d’août. — Eh bien ! je le livrerai. — Oui ; mais, si vous n’avez pas transigé, vous le laisserez en place. Ainsi, en me fixant un jour pour le livrer, vous me forciez de l’enlever de l’aire ; et cette défense de l’enlever à moins d’avoir transigé m’obligeait à entrer bon gré mal gré en arrangement.

XV. Voici encore un acte contraire non-seulement à la loi d’Hiéron comme à l’usage des anciens préteurs, mais encore à tous les droits que le sénat et le peuple romain ont accordés aux Siciliens, et qui consistent à ne pouvoir être cités que devant les tribunaux du ressort de leur domicile. Verrès ordonna que le laboureur s’obligerait de comparaître partout où il plairait au décimateur de l’assigner, afin qu’Apronius, en usant de la faculté de citer au moins à Lilybée quelque habitant de Leontium, tirât profit de ce moyen de faire peser sur les malheureux laboureurs de fausses accusations. Déjà cependant il avait ouvert à la chicane une source assez abondante de procès par cette singulière disposition, qui ordonnait à chaque laboureur de déclarer le nombre d’arpens qu’il aurait ensemencés. Cette mesure, comme nous le ferons voir, toute favorable aux arrangemens les plus iniques, sans aucun profit pour la république, servait merveilleusement Apronius pour faire tomber dans les lacs de ses fausses accusations tous ceux qu’il voulait. Quelqu’un avait-il parlé contre lui, il le citait en justice comme ayant fait une déclaration inexacte du nombre de ses arpens. La crainte d’un procès détermina beaucoup de laboureurs à livrer plus de grains qu’ils n’en devaient, et même à donner de fortes sommes d’argent. Ce n’est pas qu’il leur fût difficile de faire une déclaration exacte des