Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plaintes fait assez connaître à quel point furent cruelles pour eux ces pertes, qui peut-être nous sembleraient légères et peu dignes de nous occuper. Croyez-moi, juges, on vous l’a déjà dit, et je vous le répète, de toutes les injustices, de toutes les vexations que nos alliés et les nations étrangères ont éprouvées dans ces dernières années, aucune n’a plus chagriné les Grecs, et ne leur cause plus de peine encore que cette spoliation de leurs temples et de leurs villes.

Vainement Verrès nous opposera-t-il sa réponse banale : « J’ai acheté. » Juges, daignez m’en croire, jamais peuple de l’Asie ou de la Grèce ne vendit volontairement une seule statue, un seul tableau, aucun ornement de sa ville. Vous n’irez pas vous persuader sans doute que, depuis que les tribunaux, à Rome, ont cessé de rendre une exacte justice, les Grecs soient devenus assez indifférens pour trafiquer de ces chefs-d’œuvre, que, non-seulement ils ne vendaient pas avant ce relâchement des tribunaux, mais qu’ils recherchaient pour en faire l’acquisition. Vous ne le croirez pas ; autant vaudrait s’imaginer qu’après que les L. Crassus, les Q. Scévola, les C. Claudius, ces hommes si puissans, dont nous avons admiré la magnificence pendant leur édilité, ne purent obtenir des Grecs ces objets par le commerce, cette voie ait été ouverte aux édiles depuis la corruption de nos tribunaux.

xx LX. Sachez, juges, que les villes se trouvent plus cruellement lésées par ces achats prétendus et simulés, que par des vols clandestins ou effectués ouvertement et avec violence. C’est pour elles le comble de l’infamie de porter sur leurs registres que leurs habitans ont, moyen-