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que vous l’a dit Sopater. Tout à coup Verrès ordonne à ses licteurs de s’emparer de lui et de le traîner hors du portique où il était lui-même assis, de le jeter dans la place, et de l’y mettre nu de la tête aux pieds. Aussitôt fait que dit, et déjà Sopater est sans vêtement au milieu des licteurs. Tout le monde pensait que le malheureux, malgré son innocence, allait être battu de verges. On fut trompé : Verres battre de verges sans aucun sujet un allié, un ami du peuple romain ! Non, juges, il n’est pas si méchant ; tous les vices ne se trouvent pas réunis en lui seul : jamais il ne fut cruel, et il s’est montré doux et humain dans la manière dont il a traité Sopater. Il y avait dans la place de Tyndaris, ainsi que presque dans toutes les villes de la Sicile, des statues équestres des Marcellus. Verrès choisit de préférence celle de C. Marcellus, à qui non-seulement cette ville, mais la province entière, venaient tout récemment d’être redevables des services les plus importans. C’est là, c’est sur cette statue que Sopater, c’est-à-dire un citoyen d’une illustre famille, un premier magistrat, fut hissé, garrotté (68) par l’ordre de Verrès.

Vous pouvez aisément vous faire une idée de ce qu’il dut souffrir, étant lié tout nu sur le bronze, exposé à la pluie et à la rigueur du froid. Cependant un supplice aussi injurieux, aussi cruel, ne finissait point ; il fallut que le peuple, que toute la multitude soulevée d’indignation et de pitié, forçât le sénat, par ses clameurs, de promettre le Mercure. Tous s’écriaient que les dieux immortels sauraient bien se venger eux-mêmes ; mais qu’en attendant il ne fallait pas laisser périr un innocent. Le sénat en corps se rend auprès de Verrès, et promet ce qu’il désire. Alors Sopater est enfin