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pour cette cause avec Artémon et Ménisque, personnages distingués. Comme il se plaignait à moi, dans le sénat d’Entelle, des vexations de Verrès, il me déclara que, si on leur faisait grâce de l’approvisionnement et de cette estimation, les Siciliens promettaient au sénat de fournir gratuitement leurs grains, pour que nos magistrats ne fussent pas autorisés par nous à exiger de si fortes prestations en argent. Vous voyez sans doute combien les Siciliens y gagneraient, non que la chose soit juste ; mais c’est qu’entre plusieurs maux, il faut choisir le moindre. Car, enfin, celui qui pour sa part aurait fourni gratuitement mille boisseaux à Verrès pour son approvisionnement, n’aurait donné que deux mille ou tout au plus trois mille sesterces ; au lieu que, pour la même quantité de blé, il a été forcé d’en payer huit mille (79). Le laboureur n’a pu assurément subvenir à cette charge avec le seul produit de ses récoltes ; il a dû nécessairement vendre ses instrumens d’exploitation. Mais si cette charge, si cet impôt n’excède pas ce que peut supporter l’agriculture, ce que peut souffrir la Sicile, qu’elle le souffre pour le peuple romain plutôt que pour nos magistrats. La somme est considérable ; l’impôt serait d’un bien riche produit. Si vous pouvez le percevoir sans ruiner la province, sans être trop injustes envers nos alliés, eh bien ! soit, je n’en retranche rien : qu’on donne à nos magistrats, pour leurs provisions, ce qu’on leur a toujours donné. Mais, pour ce que Verrès exige au delà, si les Siciliens ne peuvent y suffire, qu’ils refusent ; s’ils le peuvent, que ce revenu tourne au profit du peuple romain, au lieu de devenir la proie du préteur. D’ailleurs, pourquoi l’estimation a-t-elle lieu pour une seule espèce de prestation en grain ? Si la mesure est juste et supportable, que