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vous m’ordonnerez d’aller mesurer mon blé dans un endroit où les transports sont difficiles, où je ne pourrai en acheter. Une telle exigence serait odieuse, intolérable, défendue à tous par la loi ; ce serait un délit que peut-être on n’aurait pas encore eu l’occasion de punir dans personne. Néanmoins cet acte que j’appelle intolérable, je veux bien, juges, le passer, le permettre à Verrès Oui, s’il est dans sa province un seul endroit où le blé se soit vendu aussi cher qu’il l’a estimé, mon avis est que la chose ne doive pas devenir l’objet d’un grief contre un semblable accusé. Loin de là, quoiqu’il ne valût que deux ou tout au plus trois sesterces dans tous les cantons de votre province, vous avez exigé douze sesterces. Si donc vous n’avez rien à me contester ni sur le prix du blé, ni sur votre estimation, que faites-vous sur ce banc ? qu’attendez-vous ? et quelle sera votre défense ? Est-il assez prouvé que vous avez exigé de l’argent au mépris des lois, contre l’intérêt de l’état, et au préjudice de nos alliés ? ou bien prétendez-vous établir que vous avez agi avec justice, selon les règles, pour le bien de l’état, et sans faire aucun tort à nos alliés ? Le sénat a tiré l’argent du trésor, et vous a compté autant de deniers qu’il vous en fallait pour payer aux cultivateurs leurs boisseaux de blé. Que deviez-vous faire ? Prendre pour modèle ce L. Pison surnommé l’honnête homme 78, qui, le premier, porta une loi contre les concussionnaires ; alors, après avoir acheté les grains au prix courant, vous en auriez rapporté l’excédant au trésor. Vous pouviez encore imiter certains magistrats jaloux de plaire aux alliés et de leur faire du bien ; en ce cas, profitant de l’estimation du sénat, vous auriez acheté le blé au dessous de sa valeur, pour le payer aux laboureurs d’après cette estimation, et non au prix vénal.