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infamie de l’avoir donné à une courtisane ! Sa scélératesse de l’avoir ôté au peuple romain ? Son audace d’avoir falsifié des registres publics ? En présence de ce tribunal sévère, quelles violences, quelles largesses pourront le soustraire à sa perte ? Mais, s’il était possible de vous y soustraire, Verrès, ne sentez-vous pas que tous ces délits, dont je vous parle depuis long-temps, sont du ressort d’un autre tribunal, et rentrent dans les causes de péculat ? Je me réserve donc ce chef tout entier, et je reviens à l’objet que je me suis proposé, à l’article des blés et des dîmes.

Tandis que les champs les plus vastes et les plus fertiles étaient dépeuplés par le préteur lui-même, c’est-à-dire par Apronius, ce second Verrès, il avait pour les cantons moins importans d’autres agens que, comme une meute, il envoyait à la curée : tous gens de rien et couverts de crimes, à qui il fallait que les cités donnassent aussi du blé et de l’argent.

XXXVII. A. Valentius est interprète en Sicile ; mais Verrès l’employait moins en qualité d’interprète pour la langue grecque que comme agent de ses vols et de ses infamies. Cet interprète, homme sans talent ni ressources, devint tout à coup décimateur. Il achète les dîmes de Lipari, canton misérable et stérile, pour six cents médimnes de blé. Les habitans sont mandés ; on les force de reprendre le bail, et de compter sur-le-champ à Valentius trente mille sesterces de bénéfice. Dieux immortels ! qu’allèguerez-vous pour votre défense ? Direz-vous que vous n’aviez vendu les dîmes au dessous de leur valeur, qu’afin qu’aux six cents médimnes convenus, la commune se fît un plaisir d’ajouter une gratification de trente mille sesterces, c’est-à-dire de deux mille médimnes ? ou bien prétendrez-vous que c’est après avoir porté le bail au plus haut prix que