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s’anime d’une indignation vertueuse, et ce morceau est un modèle de narration oratoire. C’est à cette occasion qu’on peut reconnaître de quel pouvoir exorbitant jouissaient dans les provinces les dépositaires de l’autorité publique. Les préteurs publiaient, selon leur fantaisie, des décrets et des ordonnances, et il fallait obéir, lors même qu’ils commandaient les choses les plus injustes.

Après avoir ainsi esquissé rapidement la questure et la lieutenance de Verrès, l’orateur arrive à sa préture de Rome. Cette dernière partie est subdivisée en deux : l’administration de la justice et l’entretien des édifices publics. L’orateur rappelle plusieurs jugements iniques du préteur sur cette double attribution. Au milieu de cette grande diversité de détails, son style est toujours plein de force, de naturel et de vérité. Il excelle dans l’art des transitions : on peut toutefois lui reprocher quelques répétitions, mais la plupart étaient inévitables. Par exemple, nous n’irons pas avec Desmeuniers lui faire l’absurde reproche d’avoir répété soixante-sept fois dans ce discours les mots populus romanus. Ce traducteur, dit M. V. Le Clerc, aurait mieux fait de compter ses contre-sens.

Une autre critique, qui paraît plus judicieuse, porte sur l’exagération à laquelle l’orateur paraît quelquefois s’être abandonné pour rendre Verrès à la fois odieux et ridicule ; mais ce défaut, si c’en est un, est celui de tous les accusateurs judiciaires. On remarque bien aussi dans ce discours quelques traits de mauvais goût, tels que la comparaison des agens de Verrès avec des chiens, des calembourgs sur le nom du préteur ; mais jamais Cicéron ne s’est refusé ce plaisir, croyant devoir en cela sacrifier au penchant qu’eurent toujours les Romains pour les jeux de mots.

Sous le rapport de l’administration des provinces et de la législation romaine, cette oraison offre une foule de documents instructifs, qui seront révélés avec soin dans les notes.

C. D.