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seulement dans les tribunaux civils et dans tous les procès entre particuliers, mais que même l’intendance des bâtimens publics fut livrée à sa direction.

LII. On vit donc aller chez Chélidon C. Mustius, chevalier romain, fermier de l’état, citoyen des plus considérés. On y vit aussi venir M. Junius, oncle paternel du pupille, personnage d’une probité sévère et de mœurs irréprochables. Vint enfin l’homme le plus estimé de son ordre par sa dignité, ses nobles sentiments, et par son attachement à ses devoirs : je veux parler de P. Potitius, l’un des tuteurs. Oh ! que de cœurs a navrés votre préture ! que de chagrins, d’humiliations elle a coûtés ! Sans parler du reste, de quelle honte, de quelle douleur ces hommes respectables durent être pénétrés, lorsqu’ils entrèrent dans la maison d’une courtisane ? Se seraient-ils jamais soumis à une pareille infamie, si un devoir sacré, si le titre de tuteurs ne les y avaient forcés ? Ils arrivent donc chez Chélidon, la maison était pleine : on y venait solliciter de nouveaux règlemens, de nouvelles lois, de nouvelles sentences. Qu’il m’envoie en possession ; moi, qu’il m’y laisse ; moi, je demande qu’il ne me condamne pas ; moi, que ces biens me soient adjugés. Les uns comptaient de l’argent, d’autres signaient des obligations. La presse était si grande, que l’on ne se serait jamais imaginé que l’on fût chez une courtisane ; on aurait cru assister à l’audience du préteur. Quand les personnes dont j’ai parlé eurent reçu la permission d’entrer, on les introduisit enfin. Mustius prend la parole, explique l’affaire, promet de l’argent ; Chélidon répond avec tout l’abandon facile d’une prostituée ; elle leur proteste que ce sera pour elle un plaisir de les obliger, et qu’elle en conférera sérieusement avec le préteur ; elle les engage à repasser.